La coûtume veut qu'on fasse paraître en chaque début d'année un classement de ses disques favoris de l'année passée.
A priori, j'ai tendance à trouver cela un tantinet irritant.
Cela suggère en effet que des disques deviennent comparables pour la simple raison qu'ils ont été initialement mis en vente sur la durée d'un même exercice fiscal. Pas top, le critère.
Par ailleurs, l'idée de classer des disques par ordre d'attachement, ou pire encore de "qualité" me semble relever de l'enfantillage… Je suis de ceux (nombreux, je crois) qui pensent que les disques prennent une valeur différente en fonction de quand, où, pourquoi et comment on les écoute... Sur la piste de danse d'une fête de mariage, j'affirme préférer cent fois entendre "Rockamadour" de Blanchard (sur lequel je puis transpirer à grosses gouttes le surplus de houblon consommé) que n'importe quel morceau de Sufjan Stevens, de Tom Waits ou d'Albert Marcoeur. J'espère que vous aussi.
Sans quoi, je m'efforcerai d'éviter les mariages où vous êtes invités.
Il se trouve toutefois que, parcourant moults blogs ces dernières semaines, je découvris au détour de ces incontournables classements un tas de noms de groupes qui m'étaient inconnus, ou de disques que j'avais maladroitement négligés. Et je l'avoue penaud : l'importance que le rédacteur leur décernait dans son cérémonial m'a tout de même poussé à aller y voir de plus près.
Je découvrai ainsi , par exemple, le très charmant "
Paper television" de
The Blow, ou revenais avec un intêret ravivé sur le cas de
Final Fantasy et son "
he poos clouds" baroque et pénétrant.

Et de conclure, finalement, que je ferais bien moi aussi de donner, pour ce premier billet, quelques pistes d'écoute concernant des disques que j'avais aimé dans les nouveautés de l'année dernière.
Tant pis pour les principes.
Voici donc, en vrac, quelques frissons musicaux recommandés par la maison :
THE LADIES "They Mean Us". Un duo étonnant et détonnant. Rob Crow (Thingy, Pinback) au chant + guitare et Zach Hill (Hella) à la batterie. Le math-rock réduit simultanément à sa plus simple expression et à son paroxysme. Méga-technique mais ludique. Fatiguant (certes) mais bougrement excitant. Attention pour les puristes : contient des fragments de vraies chansons !
PERE UBU "Why i hate women". Je suis fidèle à ce groupe depuis longtemps malgré des disques plus ou moins pénibles. Ce coup-ci, youpi : c'est un très bon crû, efficace et hargneux. M'a fait penser à The Ex, bizarrement.

THE CURTAINS "calamity". Le projet "pop" de l'ex guitariste des géniaux DEERHOOF. Le chant est fragile et désarmant, les mélodies prennent des détours inattendus. On pense en même temps à Syd Barrett, Robert Wyatt, et Chris Knox avec le sentiment fort agréable que c'est pas fait exprès. J'ai dû écouter la chanson d'ouverture, "go lucky", une quinzaine de fois le jour où je l'ai découverte. C'est un signe.
THE ISLES "perfumed lands". De loin ce que j'ai entendu de mieux comme rejeton avoué des Smiths. Plein de plans de guitare qui donnent envie de savoir mieux jouer, et des petits effets de mise en place rythmique de bon aloi. Joli. Et américain, contre toute attente
THE BLOW, "Paper television". Une fille qui chantonne nonchalemment des trucs rigolos sur de l'electronica péchue. Plus leste que Peaches et plus efficace que Le Tigre. Juste jouissif.
HOT CLUB DE PARIS "drop til it pops". Un groupe de Liverpool qui chante comme les La's, mais sonne comme des Futureheads qui auraient trop écouté Captain Beefheart. Joyeux et imprévisible.
TANTE HORTENSE "mieux". Les disques Bien devraient devenir le Saravah du 21ème siècle. Cette première référence du label révèle un chansonnier grâcieux et malicieux, dans un esprit à la coule véritablement contagieux. Cet album contient une chorale, une chanson sur les joies du hard-discount et un splendide solo de grincement de porte, entre autres… Je vous encourage à aller visionner le clip inénarrable de la chanson "une bite sur le poignet".
ALEC K REDFEARN & THE EYESORES "the smother party".
Si Sufjan Stevens troquait son banjo pour un accordéon et ses disques de Stereolab pour des compiles de punk turc, si Thingy enregistrait un disque en Europe de l'Est…ça donnerait probablement un truc comme ça.
Un chouette truc, quoi.

SHARKO "molecule"
Franchement, un disque de Sharko produit par le mec de Trash Palace et Placebo (Dimitri Tikovoï), ça ne me faisait pas vraiment saliver d'avance.
Et puis des fois on se trompe et c'est tant mieux. Quelques rocks qui envoient le bois, deux jolies pauses recueillies au ukulele avec des cordes par derrière, un single efficace ("sweet protection"), et puis d'autres morceaux plus improbables... du concentré de Sharko avec un son qui bastonne.