
Quand il s'agit d'alimenter mon Anthologie de La Chanson Navrante (dont cette rubrique vous propose quelques extraits choisis), j'avoue négliger un peu les productions actuelles et les Foyers à Haut Potentiels de Navrance (FHPN) que constituent les productions de TF1 ou M6.
Constamment alerté par de bienveillants collaborateurs, je me farcis quand même, évidemment, par souci déontologique, les dernières catastrophes parues (j'en profite pour remercier Ras Gaël pour son repérage des "Perches du Nil" de Dan Ar Braz et du single républicain d'Amel Bent).
Et puis, de cette vaste manne de nullité contemporaine émerge parfois une vraie, une authentique navrance.
Une chanson tellement consternante que les poils viennent se dresser sur mes avant-bras musculeux. Un morceau qui me pétrifie d'effroi, me fige sous l'emprise simultanée de la honte, la pitié, l'embarras, le dérangement intestinal et l'envie d'être loin… très loin.
"J'te reconnais pas" de Mathieu Johann est de celles-là.
C'est l'histoire d'une revanche sur la vie. La colère d'un fils abandonné jetée à la face de son père absent. Du linge sale familial qu'on vient laver en public parce que quand les émotions sont tellement intenses, on les partage avec son auditoire, même si c'est douloureux. D'ailleurs, le dernier single de Mathieu s'appelle "Le bonheur ça fait mal" (sic). On tâchera de retenir ses larmes sur les couplets au piano (mais si : le piano, tu sais, l'instrument de quand on est triste) et la désarmante synecdoque de la "barbe qui console" avant de brandir le poing sur les refrains rageurs et leurs puissantes décharges électriques (mais si, tu sais : la guitare électrique, l'instrument de quand on est en colère).
Bref, en incluant ce morceau dans mon Anthologie, je fais l'économie de trois ou quatre chansons de Patrick Bruel, habilement compressées ici en quelques minutes de bravoure.